Un pigeon s'invite à bord
Après avoir quitté Bègles en solitaire et fait escale à Pauillac puis à Port Médoc alors tout neuf et quasi désert, j'ai traversé la Gironde pour remater à Royan et attendre la bonne fenêtre météo pour me lancer dans la remonté du golfe de Gascogne. Toute la descente de l'estuaire a été très inconfortable, Donald a énormément tapé dans le gros clapot soulevé par le vent de nord-ouest qui n'a pas cessé de me souffler dans le nez.
Depuis plusieurs jours, ce fort Noroît toujours bien établi et la prudence m'ont empêché de quitter la marina et l'embouchure de la Gironde avec mon petit voilier.
L'arrivée de mon ami Ronan et le passage prévu pour quelques heures du vent au Nord-Est nous ont permis de larguer les amarres pour une petite étape jusqu'à St Denis d'Oléron.
Nous voilà donc parti pour un grand bord de près jusqu'au environs de Chassiron.
A peine passé le phare de la Coubre, le nordet sans être tempétueux souffle très correctement, un bon force 4, peut-être 5. Tout va bien. Il n'y a personne sur l'eau autour de nous et on regarde les goélands jouer dans la brise au ras des vagues qui moutonnent un peu. Soudain un drôle de bruit attire notre attention vers le haut du mât.
A notre grande surprise un pigeon tente de se poser sur la pointe de notre grand voile. Il n'y arrive pas, bien sur, mais refait le tour du bateau plusieurs fois, essayant régulièrement d'en accrocher la chute. Croyez le ou non, à force de vouloir se percher sur cette chute, c'est lui qui a chuté au beau milieu du cockpit.
Un peu affolé quand même il se précipite sur le roof et nous regarde l’œil un peu inquiet. Un ange passe, on sent qu'il hésite, mais il fini par prendre son envole et se dirige vers le nord-est. Pile poile le zéphire dans le nez, ou plutôt dans le bec. On sent qu'il est fatigué, il a du mal à s'élever, le battement d'ailes est lourd.
Finalement, la tentative pour reprendre sa route est courte, très vite il se ravise, fait le tour du bateau et se repose plus ou moins élégamment sur le roof courbe et glissant de donald. La chose est entendue, le vent est trop fort pour les forces qui lui restent. Il se cale comme il peut et nous observe du coin de son oeil rond. Si, si, je vous l'assure son oeil quoique rond, avait un coin.
Au bout d'un certain temps, un bol d'eau douce et quelques miettes de pains plus tard, nous avions fait ami-ami avec notre passager.
Il restera avec nous jusqu'à ce que nous fassions cap au sud pour rejoindre St Denis.
Je ne sais pas d'où était parti ce pigeon voyageur, mais ce qui est certain, c'est qu'il était à bout de force, que finalement, nous l'avons trouvé très sympa et que nous fûmes content de le dépanner. Ronan lui a même pardonné la vilaine trace blanche et noire qu'il a laissé en guise de souvenir sur son pantalon.
J'ai appris plus tard, qu'un pigeon avait élu domicile au ponton 4 du port de La Rochelle. C'est peut-être le même qui, suite à cette aventure, a décidé d'abandonner son nom de voyageur.
Le port de St Denis est bondé. Dès le lendemain Ronan fera avec moi la prochaine étape jusqu'aux Sables d'Olonnes d'où il reprendra la route vers la capitale. J'y attendrai quelques jours mes prochains équipiers.